En 1624, Charles IV, duc de Lorraine-Vaudémont, refuse l’alliance proposée par Richelieu et se range aux côtés des Habsbourg.
Brouillon, égoïste, intrigant, sans respect de la parole donnée, le nouveau duc, ni stratège, ni homme d’état, précipite la Lorraine dans l’anarchie, la ruine, la régression, ce qui entraîne un déficit humain et économique très important, seuls fruits de sa politique.
Six armées (accompagnées d’un nombre au moins égal de valets et de femmes, tous aussi ardents au pillage) déferlent sur la Lorraine, venant de tous les pays : Pologne, Hongrie, Bohême, Allemagne, Suède, France, Espagne : environ 150 000 hommes pour un pays à peine cinq fois plus peuplé.
Massacres, viols, supplices, tortures, pillages, exactions, incendies ! La terre lorraine se gorge du sang de ceux qu’elle a nourris jusque-là. Frappé d’épizooties, le bétail crève. Moulins et fabriques sont détruits. Le bois des forêts est coupé à outrance. La faim tord les entrailles. La peste, antérieure à la guerre, profite de la conjoncture et, insatiable, se repait de ces proies affaiblies. Gloutonne, elle tue davantage que la guerre !
Sans armes, les survivants ne peuvent que se terrer au fond des bois, parfois pendant des mois, pour se soustraire aux violences de la soldatesque.
Les champs ne sont pas labourés, les foins ne sont pas coupés et rentrés, les semences sont mangées par les rats et les souris, les abeilles, tant domestiques que sauvages, sont détruites : plus de miel et plus de cire, les bêtes sauvages affamées rôdent aux abords des villages.
Les marchands évitent les régions contaminées par la peste et autres maladies.
Les armées raflent les stocks pour elles-mêmes, et pour approvisionner les places fortes.
Toute vie sociale paraît abolie. Seul subsiste l’instinct de survie, si puissant qu’il pousse certains à l’anthropophagie.
La dépopulation du duché est estimée à plus de 50% et dans certaines régions, elle a certainement atteint les deux tiers.
En 1637, l’ensemble des trois villages : Chaligny, Chavigny et Neuves-Maisons ne comptent plus que 29 feux, soit moins de 6 % de la population de 1616 (172 feux, dont 108 feux ou 700 habitants à Chaligny).
Cinquante ans plus tard, 49 feux sont recensés à Chaligny, soit 245 habitants environ.
Ce déficit humain est loin d’être unique : en Lorraine, environ 80 villages sont complètement et définitivement rayés de la carte. Parfois, seule une ferme ou une église signale encore leur emplacement.
Une des conséquences de cette dépopulation est l’abandon de nombreuses terres, récupérées ensuite par les seigneurs. Mais nombre d’entre elles deviennent des friches, faute de bras pour les travailler.
C’est ainsi que les vignes seigneuriales de Chaligny, connues sous le nom de Grandes Vignes et exploitées depuis un temps immémorial, disparaissent après 1639.
Au 18ème siècle, certains villages de Lorraine n’ont pas encore retrouvé leur prospérité du début du 17ème siècle, et au 19ème siècle, l’exode rural touche ces lieux en premier.
L’industrie souffre également des destructions causées par la guerre et certaines productions sont complètement abandonnées.
Le coût de la Guerre de Trente Ans est élevé, pour les vainqueurs comme pour les vaincus, et si le traité de Westphalie en octobre 1648 met un terme aux hostilités (sauf entre la France et l’Espagne), il faudra de nombreuses années pour que le vide démographique et économique soit comblé.
Encyclopédie Gallimard Jeunesse (histoire de France)