En 1875, Ernest Bon crée une usine à chaux pour le calcaire qu’il extrait de la carrière proche. Elle était située à l’extrêmité nord de Vaucouleurs, sur la nationale 64, reliant Neufchateau à Mézières, au lieu-dit Saint Pierre où, jusqu’en 1434, se trouvait une léproserie.
Le procédé de fabrication de la chaux consistait alors à empiler les morceaux de calcaire qui étaient cuits au feu de bois.
En 1885, le calcaire est broyé avant d’être cuit. Après 1885, un premier petit four est construit qui contient environ 5 tonnes de calcaire. Le chargement se fait au moyen d’une hotte et le four est complétement vidangé après cuisson.
De 1893 à 1894, quatre autres fours de 2,75 m de diamètre intérieur seront mis en oeuvre. Le calcaire est apporté par des wagonnets et et le chargement du four se fait au moyen d’un monte-charge. Premiers fours à chaux industriels fonctionnant en Lorraine, ils alimentaient en chaux les aciéries de Pompey en Meurthe-et-Moselle.
En 1909, les fours à chaux et la carrière sont vendus aux Forges de Châtillon Commentry et leur ancien propriétaire en est le directeur.
Vers 1918 ou avant, le poste de directeur des fours à chaux et de la carrière est offert à mon grand-père, René Jacot, par la Direction de Châtillon-Commentry. Il occupera cette fonction au moins jusqu’en août 1940.
Les deux photos ci-dessus représentent la carrière de Vaucouleurs dans les années 1930, et les deux photos ci-dessous représentent la même carrière en 1999.
Longue de 30 mètres sur 20 mètres de haut, elle est étagée en gradins et des wagonnets emportent le calcaire extrait pour alimenter les fours.
Après l’arrêt de son exploitation, la carrière est devenue propriété privée. Le temps a passé et un petit lac s’est formé et ses eaux reflétant le ciel donnent à cet endroit un charme paisible et bucolique.
En 1926, les fours 1 et 2 (3,90 mètres de diamètre intérieur), sont construits et un tunnel est percé pour le raccordement souterrain à la SNCF.
En 1931, les fours 3 et 4 sont construits et mis en activité.
Notes personnelles rédigées par mon grand-père, René Jacot, directeur des fours à chaux de Vaucouleurs :
Vendredi 14 juin 1940
En raison de la suppression des transports ferroviaires, arrêté l’exploitation à l’ouverture du poste.
Pris des dispositions pour effectuer la paie de la deuxième quinzaine de mai dès le début de l’après-midi.
Les réfugiés et de nombreux soldats en déroute qui passent et partent dans la direction de Neufchâteau continuent d’affluer et leur nombre ne cesse d’augmenter.
Reçu à 13 h 20 estafette de Neuves-Maisons avec pli et chèque de 40 000 (Francs) qu’il sera impossible de toucher.
Commencé la paie en prévenant les intéressés que la majeure partie des salaires de la première quinzaine de juin sera payée demain à partir de 14 h.
Prévenu les affectés spéciaux de se rendre de suite au dépôt le plus proche...Samedi 15 juin 1940
Trouvé dès 4 h 1/2 du matin 3 portes enfoncées.
Une formation sanitaire avec majors et infirmières s’est installée au cours de la nuit dans la cave et la remise de Monsieur Fleuris.
Le pillage commence.
La porte du dépôt d’essence est enfoncée, l’essence envolée.
Préparé approximativement le montant de la première quinzaine de juillet et versé un fort acompte aux ouvriers qui se présentent.
Appris qu’un centre de résistance était préparé à Void et qu’un autre était en cours de préparation à Vaucouleurs et à Chalaines, le pont miné devant sauter incessamment.
Le pillage s’accentue. Malgré les portes refermées aussi bien que possible, elles sont éventrées aussitôt.Dimanche 16 juin 1940
A 3 h 30 du matin, Mademoiselle Koch vient m’appeler et me prévenir que le Maire et la gendarmerie sont partis cette nuit et que le pont de Chalaines va être coupé.
Le pillage s’est encore accentué, de nombreuses portes sont fracturées.Samedi 27 juillet 1940
Convoqué à 16 heures à la Villa d’André Seiligmann par l’officier allemand chargé de l’administration civile. Monsieur Fleuris m’assistait.
Cette convocation avait pour objet de fournir des renseignements complémentaires sur notre exploitation et sur la raison sociale de la Compagnie.
Indiqué que nous ne pouvions reprendre notre fabrication que si nous étions approvisionnés et si les relations ferroviaires étaient rétablies : conditions indispensables.
Précisé que tout ce que nous pouvions faire pour le moment était de travailler au découvert et cela si la banque Varin Bernis à Bar-le-Duc était réouverte et en mesure de nous verser des fonds pour le paiement du salaire des ouvriers.Samedi 10 août 1940
Après-midi, visite de Monsieur Becker, nouveau Directeur de l’usine de Neuves-Maisons, accompagné de Monsieur Siffert.
Visite de l’exploitation, du tunnel et du raccordement, envisagé la reprise du travail, par le découvert en attendant la remise en route des chemins de fer.
Nous commencerons dès lundi 12 courant les travaux de rangement et de déblaiement.
Monsieur Becker reviendra la semaine prochaine pour examiner à nouveau la question et fixer des dates.Les notes s’arrêtent à cette date du 10 août 1940.
En 1955, le four 5 est construit. Des sondeuses, des perforatrices, des locotracteurs et des élévateurs sont maintenant employés. Le four 2 est équipé d’un soufflage automatique, et la chaux est criblée.
A partir de 1958, l’entreprise continue sa modernisation avec l’acquisition d’un tracto-chargeur, puis d’un compresseur de 85 Cv en 1959 et d’un défourneur automatique pour le four 2.
A son tour, le four 3 est équipé d’un soufflage automatique en 1962.
A partir de 1963, les fours 3 et 5 bénéficient d’un défourneur automatique, et un tracto-chargeur Caterpillar 966A vient compléter le matériel.
En 1964, un ensemble de concassage-criblage pour le calcaire est installé.
En 1965, un tracto-chargeur international H 100 est mis en service.
Le 30 juin 1967, les fours à chaux de Vaucouleurs cessent toute activité. Les salariés intégrent l’usine de Neuves-Maisons et leur transport journalier est assuré par autocar.
Les fours à chaux seront démontés en 1980 par C. BON, petit-fils du fondateur.
Le Conseil d’Administration des Forges de Chatillon-Commentry offre à mon grand-père : René Jacot, la direction des fours à chaux et de la carrière de Vaucouleurs, fonction qu’il occupe jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale.
Mon grand-père travaille déjà pour l’usine de Neuves-Maisons, mais en tant que conducteur de travaux publics.
En conséquence, il accepte la direction du site de Vaucouleurs, mais à condition que les problèmes techniques inhérents aux fours à chaux soient réglés par les ingénieurs de Neuves-Maisons.
Un grand jardin était attenant à la maison de fonction. Il était entretenu par un vieil ouvrier des fours à chaux. La présence de cet espace vert était indispensable pour absorber une partie du gaz carbonique dégagé par les cheminées des fours. Ma grand-mère maintenait en permanence une cafetière de café fort et brûlant pour les ouvriers qui étaient incommodés par les gaz des fours.
Ci-dessous, deux photos prises en 1999 de l’ancienne maison de fonction. Le jardin est très diminué et a été remplacé en partie par une station service.
En l’honneur de la fête de Jeanne d’Arc, les maisons sont pavoisées et les rues décorées.